Les femmes
INTERROGATOIRES MUSCLES. Philippine V. est née à Bruxelles et a 43 ans. Elle est célibataire et exerce la profession de casquettière. Elle est domiciliée à Saint-Gilles. En 1917, elle est arrêtée pour espionnage et internée à la prison de Saint-Gilles.
Philippine travaille pour les services secrets belges et anglais. Le 20 avril 1917, elle est démasquée et arrêtée. Elle est internée à la prison de Saint-Gilles jusqu’au 12 juin. Mise au secret pendant treize jours, elle subit des interrogatoires journaliers de jour comme de nuit. La nourriture est insuffisante et de mauvaise qualité. Après sa détention, elle souffre de troubles respiratoires graves et d’épuisement. Elle doit être suralimentée et ne peut pas travailler pendant dix mois.
Désespérée, elle écrit au roi en 1949 :
Durant la guerre 1914-18, j’ai été détenue à la prison de Saint-Gilles (…). A la suite de cet internement, j’avais contracté une anémie pernicieuse, dont je souffre encore périodiquement. Je faisais partie des services secrets belge et anglais, qui ont reconnu mes mérites en m’octroyant (…) la croix civique 14-18 de 2e classe (…) et la British Medal. Je n’ai jamais sollicité une aide quelconque (…). J’ai 74 ans et n’ai plus personne qui puisse m’aider.
UNE CACHE DISPONIBLE. Maria V. est née le 9 septembre 1890 à Rolleghem et habite à Kuurne. Elle est résistante et apporte son aide aux armées alliées. Elle est arrêtée en 1915 et internée dans plusieurs prisons belges.
Maria aide les personnes soumises au travail obligatoire. Elle les cache. Elle s’occupe aussi des réfugiés et leur fait passer la frontière hollandaise, via la France. Accusée d’espionnage, elle est arrêtée par les Allemands à deux reprises, en novembre 1915 et en 1917.
UNE FAMILLE DANS LA TOURMENTE. Louis G., mécanicien, est né le 27 juillet 1870 à Bruxelles. Il est marié avec Louise H., née le 10 avril 1872 à Huy. Ils sont domiciliés à Gembloux et ont quatre enfants : Marguerite (née en 1887), Jean (né en 1900), Myriam (née en 1905) et Robert (né en 1909). En février 1916, non seulement Louis est interné pour fait de résistance mais sa femme et sa fille Marguerite sont aussi emprisonnées.
Louis est emprisonné du 11 février 1916 au 11 novembre 1918. Il passe par les prisons de Namur, Reinbach, Cassel-Welheiden et Vilvoorde. Il est arrêté pour fait de résistance et espionnage : Il assure le transport de courriers entré en Hollande, il recrute des jeunes gens de Gembloux en les incitant à se battre au côté de l’armée et il les aide à passer la frontière hollandaise. Il est condamné par un Conseil de Guerre allemand à deux peines de mort pour avoir conduit des jeunes en Hollande et a trois ans et trois mois de prison pour le transport de lettres.
SILENCE. Louise, sa femme, est arrêtée un jour avant son mari. Elle est coupable de ne pas avoir dénoncé les activités de son époux. Elle est emprisonnée pendant quatre mois et demi, d’abord à Namur puis en Allemagne. Marguerite, la fille de Louis, subit le même sort que sa mère. Elle est internée à Namur pendant 67 jours pour ne pas avoir trahi son père.
COUPS ET BLESSURES. Tous les trois reviennent très affaiblis par la détention. Louis a reçu des coups et des mauvais traitement pendant l’instruction du procès. Sa femme et sa fille souffrent d’une grande faiblesse pendant plusieurs mois.
Je me plais à constater que lors de leur arrestation (…), elles auraient pu me trahir, dénonçant mon nom qui se trouvait écrit sous le nom de guerre « Laf » dans la valise qui fut prise par les Allemands. Elles se laissèrent condamner.
TROIS GENERATIONS DE RESISTANTES. Pauline D. est née à Wezembeek le 24 juillet 1855. Veuve de Jean V., elle est marchande de meubles. En compagnie de sa fille Joséphine et de sa petite-fille Rose, elle transporte, de Belgique en Hollande, du courrier d’espionnage. Ces lettres concernant le chemin de fer sont transmises au délégué aux Pays-Bas du Ministre des Chemins de Fer, Postes et Télégraphe.
Pauline, Joséphine et Rose n’hésitent pas un seul instant malgré le danger. Elles transportent de la Belgique vers les Pays-Bas, des rapports militaires concernant les installations allemandes sur le Front. Elles sont toutes les trois arrêtées le 29 septembre 1915. Jaime Mir, leur contact, témoigne de leur patriotisme juste après la guerre.
CONDAMNEES. Le 20 janvier 1916, Pauline, Joséphine et Rose sont emmenées devant le Conseil de Guerre d’Anvers. Pauline est condamnée à deux ans de prison, à la saisie de l'ensemble de ses biens et à 2000 marks d’amende. Joséphine et Rose sont condamnées à un an de prison. Pauline est d’abord détenue dans les prisons de Saint-Gilles et d’Anvers, puis déportée à Siegburg. Elle est libérée le 18 janvier 1918, dans le plus complet dénuement.